devant le paravent
devant le paravent
le fauteuil attend
attend depuis hier
attend depuis la guerre
en face de lui
la fenêtre est ouverte sur la nuit
opaque et silencieuse
immobile et vénéneuse
la terre tourne sans bruit
pas une étoile ne luit
au loin la rivière sombre
avance calme et obstinée dans l'ombre
les eaux s'enfuient
vers des lendemains sans pluie
la petite fille ne pleure pas
la petite fille ne s'endort pas
elle a compris hier soir
elle est assise dans le noir
à coté de son lit
à coté de la vie
demain elle ira parler à la rivière
lui racontera comment la nuit dernière
pendant ce désespoir sans lune
avec dans le coeur cette immense dune
des milliards d'années
ont creusé sa pensée
elle a compris l'univers
et regardé fascinée cette jeune terre
qui sursaute sous les guerres
elle voudrait ne plus se taire
les mots sont figés murés là
mais les larmes ne ruissellent pas
au fond de ses yeux la nuit s'est arrêtée
depuis que ces lourdes années
en un instant se sont accumulées
dans son corps de petite fille isolée
alors elle décide de construire cette forteresse
et la peint aux couleurs de l'allégresse
ainsi elle pourra traverser la vie
montrer un regard fleuri
même si
dans sa mémoire
la rivière est noire
et
même si
devant le paravent
le fauteuil attend
attend depuis hier
attend depuis la guerre
rien à cet instant
ne sera plus comme avant