Au-delà de l'émotion, Au-delà de la souffrance :
La poésie

Hola, mais je ne sais pas faire, jamais appris, pas été au stage, et c'est à moi, oh! La tuile, qu'incomberait l'honneur de préfacer les mots d'une grande dame que je ne connais pas encore...
Ah! l'Art postal est un grand voyage et ses aventures sont immenses !
Un matin, une escadrille de phrases dispersées sur un nombre de cartes enluminées par Rafael, vinrent s'échouer, au pré de la mer, dans ma boîte aux lettres.
Comment Marie-Louise Betting-Aspillaga avait eu connaissance de mon modeste et insolent - le mot est de M.L.B.A. - fanzine de mail-art "Nada-Zéro", je ne le sais encore pas, et cela n'a guère d'importance. Le fait est que ce matin-là, débuta un puissant jeu d'échange de lettres et de poèmes qui jusqu'à ce jour dure encore.
Car les mots de Marie-louise, les souvenirs, les émotions portées sur le papier, toute cette sédimentation poétique amassée, strate par strate depuis des années, ont été aussi pour moi porteurs d’énergie.
En effet, lorsque ma plume, distraite par d’autres tâches plus humbles, semblait paresser, une relance musclée de la part de ma chère correspondante suffisait à me faire rechuter dans la fièvre littéraire. Et je soupçonne qu’il en était de même pour Marie-Louise.
Diane Bertrand mail-artiste de Saint léonard au Québec-Canada, me disait un jour : « j’existe de vous ici, comme vous existez de moi là-bas. » et cela semble tellement vrai aussi avec Marie-Louise

Un flou artistique, ce n’est pas un flou du à une mauvaise mise au point, ce n’est pas non plus le résultat d’un bougé. Un flou artistique c’est voulu, c’est une technique de photographie. Le flou artistique se sert d’un objectif spécial d’une définition un peu molle c’est ce qui donne cette ambiance de flou artistique.
Les relations entre Marie-Louise et moi-même sont aussi de ce type. Les lettres qui nous ont liés, nos traits d’union, ont ce caractère. Elles sont des portraits en flou artistique et des miroirs de l’âme aussi. Ce flou artistique est subtilement dosé et entretenu par nous, protagonistes d’une pièce qui se joue à huit clos à deux personnages, mais chacun dans son propre décor et avec ses propres costumes.
Il s’est vite avéré que nos pères pouvaient être un de nos points communs. Mais ce qui nous rassemble nous divise aussi, nos pères ont eu un uniforme et ont été soldats lors d’un même conflit mondial. Mais un seul est revenu, le mien. A présent le mien n’est plus, mais mon cœur est léger car je sais que le temps passé auprès de lui a été généreux, notre route, ensemble, m’a été profitable.
Le non-retour de celui de Marie-Louise a été source d’une très forte souffrance. N’est-elle pas à travers ses lignes poétiques, encore entrain de l’attendre ? N’est-ce pas cette attente qui lui donne cette puissance des ouragans dans les doigts, cette faculté de peindre l’ombre et l’arc en ciel de l’absence ?

« Les carnets de Marie-Louise », je les ai vus naître des contacts multiples avec son ami Christophe (le capitaine Megel), géniteur du projet. Après la fécondation, quelques échographies poétiques me sont parvenues, et à présent que l’ouvrage va naître, Marie-Louise me demande de le préfacer.
Bigre ! Je ne sais toujours pas faire.
Je ne saurais pas dire que l’écriture de Marie-Louise est une malice à nuages, un piège à émotions, à rêveries et que ses mots me gonflent la gorge.
Ah ! Les souvenirs de l’enfance se lisent à l’envers. Ah ! Il était une fois…une nostalgie qui n’était pas une pythie, pas une fée, pas une princesse, qui écrivait sur de petits papiers de couleurs, des poèmes assemblés comme des logogrammes, des ballades qui parlaient de contemplation simple, d’admiration pure et d’Amour comme on ne se l’imagine plus, des mots enfin qui m’explosaient au visage, me rendaient comme un humain qui aimerait partager la beauté de son monde.
La beauté du monde de Marie-Louise Aspillaga Betting.

Christian ALLE. Plasticien, Mail Artiste, Poète.
Urville-Nacqueville le 20 février 2005.